L'actualité de demain : LES HABITS DU DIMANCHE SORTENT DES PLACARDS, par François Leclerc

Billet invité

Dans l’attente de leur prochaine épreuve, les 130 banques européennes multiplient les préparatifs pour se présenter sous leur meilleur jour. Afin de témoigner de leur bonne santé retrouvée, elles tentent de se détacher des fonds de la BCE en leur substituant des fonds négociés sur le marché et en débouclant des programmes de collatéraux engagés auprès de la banque centrale. Elles vendent également le résultat de titrisations précédentes figurant encore dans leurs comptes, à condition de trouver preneur, diminuant le volume de leurs actifs pondérés des risques.

Sous les effets conjugués de leurs obligations réglementaires et de l’examen de passage de la qualité de leurs actifs de la BCE, une nouvelle estimation du montant des fonds propres que les banques devraient réunir en 2014 a été dévoilée le 28 novembre dernier par le cabinet d’audit PriceWaterhouseCoopers (PwC), avec comme commentaire « les deux prochaines années vont être turbulentes » : l’addition se monterait à 280 milliards d’euros. Tous les moyens seront bons pour y parvenir : augmentations de capital, bénéfices mis en réserve, émission de CoCos (obligations contingentes convertibles) ou titrisation d’actifs. Le mot est lancé, elles vont devoir faire preuve de créativité car 180 milliards d’euros devront être levés sur le marché.

Elles font en tout cas preuve d’activisme sur le marché de la titrisation des prêts immobiliers commerciaux (CMBS), où les volumes ont recommencé à croître en Europe, après avoir été à zéro en 2009 : 8,1 milliards d’euros en 2013, selon Dealogic. Aux États-Unis, c’est encore plus flagrant. De nombreux crédits accordés avant la crise arrivent à maturité, occasion pour les refinancements en profitant du très bas niveau des taux. Les agences de notation s’inquiètent pour leur part de la détérioration de la qualité du nouveau collatéral. Une même tendance s’observe sur les marchés des CDO (Collateralised Debt Obligations) et CLO (Collateralised Loan Obligations). Toujours aussi paradoxale – et porteuse de risque – l’émission de produits reposant sur de la dette a le vent en poupe lorsqu’il est question de renforcer les fonds propres.

Les acrobaties comptables ne vont pas non plus manquer. Les banques italiennes étant de notoriété publique très fragiles, le gouvernement italien est déjà venu à la rescousse en décidant d’une réévaluation du capital de la Banque d’Italie. Celle-ci partageant avec la Fed américaine la particularité d’avoir à son capital des banques privées nationales, va voir celui-ci fortement revalorisé, ce qui améliorera leur patrimoine en fonction de leur participation au capital. Mais il est vrai que son capital était anormalement bas, son montant datant de 1930.

Le gouvernement espagnol n’y va pas avec le dos de la cuillère. Il vient d’accorder sa garantie à 30 milliards de Deferred Tax Assets (des crédits sur des impôts à venir) qui vont renforcer les fonds propres des banques. Celle-ci était indispensable pour que ces instruments financiers répondent aux exigences réglementaires et a des chances notables de devoir être exercée, puisqu’il est supposé que les banques en question feront des bénéfices à hauteur de 100 milliards d’euros dans les 15 prochaines années. A ver !, disent les Espagnols ! C’est tout vu pour le FMI, qui entame aujourd’hui un nouvel examen de l’état des banques espagnoles après avoir estimé que leur recapitalisation est « sur ses rails » dans son précédent rapport rendu public vendredi dernier.

Hors zone euro, il a été trouvé plus simple que ce montage comptable d’activation des pertes. Dans le cadre de ses nouvelles missions de régulation exercée par la Prudential Regulation Authority (PRA), la Banque d’Angleterre a également publié vendredi dernier le détail de l’implantation des nouvelles règles de renforcement des fonds propres des banques. Initialement rendues publiques en août dernier, elles avaient depuis fait l’objet d’un lobbying intense des banques afin qu’elles soient adoucies, et les banques ont eu largement gain de cause. En substance, certains risques comme ceux afférents aux fonds de pension ne devront plus être comme précédemment intégralement couverts par des fonds propres éligibles au Core Tier One, leur saint du saint…

Toujours aussi instructif de se balader le dimanche le nez au vent sur la route qui longe les banques !